Découverte d’un gène dont les mutations entrainent un défaut isolé de développement du cerveau

Découverte d’un gène dont les mutations entrainent un défaut isolé de développement du cerveau

Coupes sagittales de cerveaux. En haut un individu normal (corps calleux en rouge) et en bas un patient inclus dans l’étude (muté dans DCC) où l’on peut voir l’absence complète du corps calleux.

27 février 2017

Christel Depienne de l’équipe de Jean-Louis Mandel, actuellement dans l’équipe de Binnaz Yalcin, (IGBMC à Strasbourg), en collaboration avec le groupe de recherche clinique de Delphine Héron (Hôpital Pitié-Salpêtrière) et des neuropédiatres de l’Hôpital Trousseau (Pr Thierry Billette de Villemeur et Dr Marie-Laure Moutard), et les équipes australiennes de Paul Lockhart (Melbourne) et Linda Richards (Brisbane), a mis en évidence le premier gène responsable d’agénésie du corps calleux isolée (défaut de développement de la principale structure cérébrale responsable de la communication entre les deux hémisphères du cerveau). Leurs résultats sont publiés le 27 février dans la revue Nature Genetics.

Les deux hémisphères cérébraux sont reliés entre eux et communiquent grâce au corps calleux, une sorte de pont qui permet le passage des informations et participe aux processus de mémoire et apprentissage notamment. Il arrive que certaines personnes naissent sans corps calleux, c’est ce qu’on appelle l’agénésie du corps calleux. Ce trouble du développement cérébral peut être associé à une déficience intellectuelle de sévérité variable, ou ne se manifester par quasiment aucun symptôme, bien que l’absence du corps calleux ait tout de même un impact sur la cognition, le langage ou l’humour par exemple. La détection de cette malformation, est le plus souvent réalisée en période prénatale, c’est à dire que celle-ci est visible à l’échographie au cours du second trimestre de la grossesse. La détection dune telle malformation in utero constitue alors un véritable challenge pour prédire le devenir cognitif de l’enfant à naitre. Dans d’autres cas de patients adultes ou n’ayant pas eu un suivi de grossesse, l’agénésie du corps calleux peut être mise en évidence de façon fortuite, lors d’un examen IRM réalisé pour une autre cause, un bilan de migraine par exemple.

Christel Depienne et ses collaborateurs se sont intéressés à une certaine forme d’agénésie calleuse, l’agénésie calleuse isolée, sans déficience intellectuelle associée. Leur étude, menée chez 9 familles différentes dont 4 avec des personnes atteintes sur plusieurs générations a mis en évidence, pour la première fois, des mutations d’un gène spécifique, le gène DCC, héritées de façon dominante.La protéine codée par ce gène est un récepteur à la netrin 1 et joue un rôle clef dans le guidage axonal lors du développement cérébral et permet ainsi aux axones, prolongements des neurones, de passer d’un côté du cerveau à l’autre et d’assurer ainsi la liaison entre les deux hémisphères.

Le gène DCC avait été préalablement associé à une autre pathologie, celle des mouvements en miroir congénitaux, qui affecte la capacité des patients à effectuer un mouvement différent des 2 mains. Les patients font des mouvements involontaires d’un côté du corps, reproduisant les mouvements intentionnels faits par l’autre côté du corps. L’orientation vers l’une ou l’autre des pathologies pourrait avoir différentes explications. D’une part, le background génétique de l’individu, c’est-à-dire l’ensemble des variants spécifiques de cet individu, et d’autre part le sexe. Les filles semblent en effet plus à risque de développer une agénésie du corps calleux et les garçons plus à risque de développer des mouvements en miroir, sans que cette règle soit pour autant être absolue.
Cette découverte permet de mieux comprendre les causes d’agénésie du corps calleux et le développement normal et pathologique du cerveau. L’agénésie du corps calleux représente une des causes importantes d’interruption médicale tardive de grossesse. La découverte du gène DCC pourrait donc avoir un impact majeur dans le cadre du diagnostic prénatal, notamment en permettant de pronostiquer si l’enfant à naître va souffrir ou non d’une déficience intellectuelle.

Source : site de l’IGBMC