Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal de l’Est Parisien, hôpital Trousseau

Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal de l’Est Parisien, hôpital Trousseau

Le dixième bébé souffrant de myéloméningocèle ou spina bifida opéré par les équipes de l’hôpital Trousseau et Necker-Enfants Malades, constituant le premier centre français de réparation prénatale des myéloméningocèles, est né en janvier 2018. Ce centre est le seul en France à proposer l’intervention chirurgicale à ciel ouvert du spina bifida, offrant à ces enfants un meilleur pronostic moteur.

Grâce au trépied médecine prénatale-imagerie fœtale-neuropédiatrie, l’hôpital Trousseau (Hôpitaux Universitaires Est Parisien, APHP) possède une expertise à rayonnement régional, national et international dans les anomalies neurologiques du développement (cerveau, moelle épinière) et de conseil prénatal en termes de pronostic pour l’enfant à naître.

Site constitutif du Centre de référence Maladies Rares pour les anomalies de la moelle et des vertèbres, les équipes se sont engagées depuis plus de quinze ans autour de la prise en charge péri-natale des malformations les plus fréquentes du système nerveux central, à savoir les myéloméningocèles ou spina bifida. Environ 200 enfants naissent chaque année avec ce type de malformation. En France, dans plus de 95% des cas, celle-ci est diagnostiquée par échographie aux alentours du 5ème mois de grossesse. L’anomalie – une hernie des méninges et de la moelle épinière hors de leur enveloppe osseuse naturelle – consiste chez le fœtus en une ouverture anormale des vertèbres dans le bas du dos. Exposés au liquide amniotique, la moelle et les racines nerveuses sont progressivement détériorées, à l’origine d’un handicap moteur et sphinctérien chez l’enfant. De plus, à partir de la malformation se produit une fuite du liquide céphalo-rachidien, entraînant des répercussions dès la fin du premier trimestre de grossesse sur le développement du cerveau fœtal. « La réparation fœtale effectuée à mi-gestation permet de rendre la malformation étanche en recouvrant la moelle et les racines, explique le Pr Jean-Marie Jouannic, gynécologue, chef de pôle Périnatalité et chef du service de médecin fœtale (Hôpital Trousseau, APHP). La fuite est endiguée, le cerveau du fœtus protégé. Par ailleurs, la protection de la moelle et des racines par la chirurgie fœtale permet d’amoindrir le handicap pour l’enfant à naître ».

En collaboration avec l’équipe de Michel Zerah, neurochirurgien à Necker Enfants Malades, le Pr Jean-Marie Jouannic a fondé en 2014 le premier centre français de réparation prénatale des myéloméningocèles.

Compte tenu de la gravité des séquelles, la large majorité des parents opte pour l’interruption médicale de grossesse (IMG). « Notre choix d’offrir ce soin nouveau en France – la chirurgie à ciel ouvert – était dicté par le fait que jusqu’à l’aube des années 2000, il y avait pratiquement 100% de demandes d’IMG pour cette malformation après diagnostic prénatal. Depuis une dizaine d’années, un nombre croissant de couples a compris la gravité du tableau clinique de son enfant et ne souhaite pas interrompre la grossesse pour autant. Nous avons donc considéré qu’il devenait pratiquement non éthique de ne pas proposer cette intervention chirurgicale aux parents opposés à l’IMG. »

Tous les fœtus opérés dans le cadre du Programme de réparation in-utero des myéloméningocèle (PRIUM) ont subi une chirurgie dite à ciel ouvert. Celle-ci consiste en une incision pratiquée au niveau de l’utérus maternel afin d’accéder à la cavité amniotique. Le dos du fœtus qui porte la malformation est rapproché de cette petite ouverture par laquelle les neurochirurgiens peuvent effectuer la réparation prénatale. Si les indications restent rares, l’équipe a opéré à ce jour dix fœtus, dix bébés nés depuis sans complication liée à la prématurité ; le risque principal de la chirurgie étant l’accouchement prématuré. Dans neuf cas sur dix, l’opération a permis une protection cérébrale complète, avec correction de la bascule en arrière du cervelet dans les quinze jours. « L’opération permet de gagner en moyenne deux corps vertébraux de niveau lésionnel, souligne Jean-Marie Jouannic. Un gain considérable vis-à-vis du devenir moteur de l’enfant. On augmente ainsi la possibilité qu’il puisse acquérir la station debout, marcher, avec ou sans aide. La protection cérébrale est un enjeu fondamental. Ces enfants conserveront un handicap mais pourront espérer suivre un cursus scolaire normal et conserver une autonomie la plus large possible. »

Bien entendu, le centre français de réparation prénatale des myéloméningocèles possède une activité de recherche, en particulier sur la miniaturisation des techniques chirurgicales par fœtoscopie, technique dérivée de la coelioscopie, avec l’idée d’éviter l’incision utérine. Cependant, à ce jour, ces techniques ne permettent d’obtenir un résultat comparable à celui obtenu par chirurgie « à ciel ouvert ».

Une cinquantaine de couples consulte pour avis chaque année, après un diagnostic de myéloméningocèle. Dans 15% des cas, le diagnostic est redressé, infirmé ou affiné. Les chercheurs ont d’ailleurs été les premiers à décrire une forme particulière de dysraphisme spinal, une malformation congénitale proche du myéloméningocèle.

La recherche translationnelle au sein du Centre de référence pour l’imagerie périnatale

L’hôpital Trousseau est riche d’une formidable collection d’imageries pré et post-natales. L’objectif est de faire fructifier cette banque de données sous forme de logiciel d’aide au diagnostic par l’image (système OPPIO, actuellement au stade de la preuve de concept) dans le champ de la médecine fœtale. Le logiciel comprend ce que voit l’échographiste puis le guide pas à pas pour repérer les signes, lui présenter des images de référence qui l’aideront à poser un diagnostic.

D’autres projets sont en cours, sur la thérapie cellulaire et sur les phénomènes chimiques toxiques dans le liquide amniotique qui occasionnent les lésions dans le spina bifida ou encore sur l’intérêt de l’IRM de diffusion pour évaluer le pronostic des retards de croissance intra-utérins avec la première étude multicentrique conduite dans le monde. Résultats fin 2018. L’équipe pilote également une étude nationale de caractérisation à la fois génétique et morphologique de l’agénésie du corps calleux, une anomalie cérébrale due à l’absence de communication entre les deux hémisphères, relativement fréquente.

Du dépistage vers une médecine personnalisée

L’hôpital Trousseau dispose de l’un des 49 centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal en France. Ce dernier comptabilise 2 200 consultations spécialisées par an, 900 consultations spécialisées réalisées par les sages-femmes et 2 000 échographies. Ce centre expert, parmi les plus importants du territoire, est investi à la fois dans le dépistage lors de la grossesse pour l’enfant à naître (anomalies chromosomiques, morphologiques etc.), dans le suivi des grossesses, puis se charge d’amorcer l’aval de soins dès la salle de naissance, profitant de la vaste offre pédiatrique à demeure.

Il existe un parfait continuum dans la prise en charge périnatale. L’organisation dans le centre est telle qu’une femme dont l’échographie du 5ème mois fait apparaître une suspicion de malformation fœtale est reçue dans les 24 h. Le soin d’expertise représente les deux tiers de l’activité du centre, avec une consultation quotidienne dédiée, assurée par un médecin spécialiste de médecine fœtale. Le centre organise par ailleurs des soins primaires de diagnostic prénatal : « ces soins primaires de diagnostic prénatal sont prodigués chez nous avec la même qualité qu’un soin expert, insiste le Pr Jouannic. Par exemple, tous les prélèvements ovulaires invasifs sont réalisés par des médecins seniors spécialistes de médecine fœtale ».

Un suivi sur-mesure des grossesses compliquées d’allo-immunisation fœto-maternelle

Le service de Médecine fœtale de Trousseau comporte l’Unité Fonctionnelle du Centre de référence en hémobiologie périnatale (CNRHP). La partie clinique de cette structure mixe est dirigée par le Dr Anne Cortey, pédiatre néonatologiste. Sa mission est de prendre en charge l’ictère (jaunisse) du nouveau-né et les grossesses compliquées d’allo-immunisation fœto-maternelle érythrocytaire ou plaquettaire, c’est à dire des mères qui produisent des anticorps dirigés contre les globules rouges de leur fœtus. 150 grossesses sont suivies chaque année et environ 80 transfusions in-utero réalisées, ce qui représente 40% de l’activité de transfusion in-utero française. Depuis l’hôpital Saint Antoine, le Dr Agnès Mailloux dirige l’UF biologique du CNRHP du Pôle de Biologie Médicale et Pathologie (Dr Veaubourdolle).

Dans les cas les plus sévères, les accouchements et les nouveau-nés sont pris en charge sur le site même de l’hôpital Trousseau. Pour les autres, un lien constant est maintenu avec les maternités et les pédiatres néonatlogistes sur l’ensemble du territoire français.