Nouveau bloc opératoire de l’hôpital Armand Trousseau (AP-HP – Paris)

Nouveau bloc opératoire de l’hôpital Armand Trousseau (AP-HP – Paris)

IMG_4283Depuis le 10 mai 2016, le bloc opératoire de l’hôpital Armand Trousseau est de nouveau opérationnel, après une rénovation de fond en comble. Celle-ci a mis l’accent sur la technicité mais aussi sur une décoration pensée pour l’accueil pédiatrique. Avec une innovation : la création d’une salle centrale et baptisée « salle Zen », dédiée à l’ensemble des techniques d’anesthésie, des plus classiques aux plus originales telles que l’hypnose, la distraction et l’absorption dans la réalité virtuelle ainsi qu’à la recherche clinique sur le monitorage de la douleur par la pupillométrie ou d’autre procédés novateurs.

Un an aura été nécessaire pour reconstruire entièrement le bloc opératoire de chirurgie pédiatrique datant des années 70, situé au 6ème étage du bâtiment Paul-Louis Chigot de l’hôpital Armand Trousseau (Hôpitaux Universitaires Est Parisien). Le Pr Isabelle Constant, chef du pôle Hospitalo-Universitaire Pathologie Enfant Adolescent et chef du Service d’Anesthésie-Réanimation (Hôpital Armand Trousseau, GHUEP, UMPC) en attend une amélioration considérable à la fois pour les enfants qui bénéficieront d’un univers pensé pour leur apporter confort et relaxation mais également pour les professionnels du bloc opératoire qui verront leurs conditions de travail clairement améliorées en termes de technicité et d’environnement. La réouverture du bloc opératoire devrait s’associer à une optimisation du parcours des jeunes patients avec une augmentation progressive de l’activité opératoire. Mais cette reconstruction constituait aussi l’opportunité de concrétiser les projets novateurs de l’équipe d’Anesthésie-Réanimation.

L’anesthésie autrement…

En effet, si les six salles d’opération et la salle de réveil du bloc opératoire flambant neuf, lumineux et peint de couleurs vives, sont équipées du nec plus ultra de la technologie, elles accueillent en leur centre une salle opératoire dédiée à l’anesthésie, baptisée « salle Zen ». Outre sa vocation à faciliter le turn-over des salles d’opération, son éclairage coloré modulable en fonction des ambiances, son alcôve « bleue-mers du sud » réservée à l’hypnose et la diffusion de musique relaxante, participent d’une ambiance visuelle et sonore propice au bien-être des enfants. La salle Zen est un lieu privilégié pour préparer les patients et débuter l’anesthésie, que la méthode choisie soit l’anesthésie générale, locorégionale, l’hypnose ou la distraction. L’accueil de l’enfant est réalisé par une équipe de bénévoles avant l’entrée au bloc opératoire, puis par le personnel du bloc et l’équipe anesthésique dans la salle Zen. « A ma connaissance, cette salle Zen n’existe nulle part ailleurs, estime Isabelle Constant. L’objectif est d’améliorer le vécu du passage au bloc opératoire, en d’autres termes il s’agit de transformer un passage obligé plutôt angoissant pour les enfants en un moment serein et un peu magique. C’est ambitieux, mais ce mode de fonctionnement novateur s’ajustera progressivement selon l’imagination des soignants, guidé par les sourires des enfants. » Les parents ne peuvent accéder à la salle Zen, mais sont invités à se rendre en salle de surveillance post-interventionnelle, dès que l’enfant y arrive.

L’hypnose, partie intégrante de la gestion anesthésique des enfants

Cela fait une quinzaine d’années que l’hypnose est entrée dans le service d’Anesthésie-Réanimation de l’hôpital Trousseau avec, à ce jour, un tiers des médecins et près de la moitié des infirmières anesthésistes formés à cette approche. L’hypnose, en détachant l’enfant de l’environnement extérieur, absorbé dans son imaginaire, permet de le préparer à l’induction de l’anesthésie, afin de le relaxer avec une mise en condition hypnotique. « Avec le recul, constate le médecin anesthésiste, cette approche modifie considérablement la manière dont les soignants abordent l’enfant. Certains mots et tournures de phrase sont évités comme par exemple « N’aie pas peur, tu n’auras pas mal » où l’enfant n’entendra que les mots « peur » et « mal » ».

L’hypnose est aussi indiquée chez des enfants à haut risque anesthésique, pour des gestes opératoires qui le permettent (pose de cathéters, réalisation de biopsies etc.). L’hypno-analgésie remplace alors avantageusement l’anesthésie générale. Certains parents sont aussi en demande pour leur enfant. Car la grande vertu de l’hypnose est de modifier le vécu de certains gestes potentiellement traumatisants.

Anesthésie locorégionale, la réalité virtuelle comme distraction

Certains gestes opératoires habituels sous anesthésie locorégionale chez l’adulte sont inenvisageables sans anesthésie générale chez l’enfant. Pour ne pratiquer qu’une anesthésie locorégionale, le service d’Anesthésie-Réanimation mise sur la réalité virtuelle, un outil que l’enfant d’âge scolaire utilise pour s’immerger avec plaisir dans l’univers familier et ludique du multimédia. Cette technique -particulièrement adaptée à la chirurgie ambulatoire- diminue l’anxiété et permet à l’enfant d’accepter sans difficultés la réalisation d’actes chirurgicaux sous anesthésie locorégionale seule. L’étude pilote menée en 2014 dans le service (l’un des rares en France à utiliser et à évaluer la réalité virtuelle) sur l’emploi de casques vidéo 3 D a été concluante : le niveau de satisfaction des enfants opérés est élevé et aucune conversion de l’anesthésie locorégionale en générale n’a été nécessaire lors des cinquante opérations inclues dans cette expérimentation (chirurgie des membres supérieurs ou inférieurs). Casques 3D dernière génération, Google Glass… les anesthésistes souhaitent désormais élargir l’éventail des possibilités technologiques.

La pupillométrie, un témoin de la douleur en cours d’anesthésie

Toute la difficulté pour les anesthésistes est d’évaluer la profondeur, l’intensité de l’anesthésie générale pendant la chirurgie, si ce n’est en se fiant à la quantité de produits hypnotique et analgésique administrés. Or la pupille réagit à la douleur : chez la personne éveillée, la douleur induit un réflexe de dilatation pupillaire, qui persiste sous anesthésie générale lorsque l’analgésie est insuffisante. Pour monitorer la profondeur de l’analgésie « la pupillométrie est un moyen très sensible, assure le Pr Constant, pionnière dans l’utilisation et la validation de cette technique en pédiatrie. Chez l’enfant anesthésié, notre équipe a mis en évidence que la mesure du réflexe de dilatation pupillaire était, comparée aux paramètres hémodynamiques habituellement utilisés (variations de fréquence cardiaque ou de pression artérielle), un témoin plus sensible de la réponse à la douleur ».

Le service d’Anesthésie-Réanimation est l’un des rares si ce n’est le seul en France à utiliser un pupillomètre en routine afin d’ajuster la quantité de produit analgésique à délivrer au cours de l’opération chirurgicale. Mais le service est aussi un « laboratoire » qui teste la fiabilité d’autres techniques pour évaluer l’efficacité de l’analgésie (variations de fréquences cardiaques ou de conductance cutanée par exemple) en quantifiant la réponse du système nerveux dit autonome à la douleur.

Hélène Joubert